Carys et Paxton
Inconsolable
Jeudi 21 décembre 2010, 23h06
Tout d'abord, merci pour toutes les prières. Nous avons découvert aujourd'hui
que même si un bébé est en parfaite santé, l'autre bébé est atteint
d'anencéphalie... ce qui signifie qu'il ou elle ne pourra pas survivre
après la naissance.
Dire que nous avons le cœur brisé est un euphémisme. Je suis reconnaissante
que nous ayons un solide système de soutien et je crois vraiment ce que les
écritures disent au sujet de Dieu travaillant pour le bien en toutes choses pour
ceux qui L'aiment. Nous ne comprenons pas et nous savons que nous avons fait
tout ce que nous étions censés faire pour avoir des bébés en bonne santé...
mais heureusement, la foi ne nécessite pas de comprendre. Nous avons juste
besoin de temps.
Depuis que mon mari Aaron et moi sommes en couple, nos mères ont plaisanté
sur les jumeaux roux que nous allions avoir. En 2009, nous avons décidé que
nous étions prêts à fonder une famille. Nous voulions un bébé. Nous avons
prié pour un bébé. J'espérais tranquillement des jumeaux.
Après presque un an d'attente et d'espoir, nous avons vu la première ligne
floue sur un test de grossesse fait à domicile le 19 septembre 2010. C'était
si flou qu'Aaron m'a demandé si j'étais sûre que c'était une ligne, et
si j'étais sûre que le test était positif. J'ai répondu "Oui. Une ligne
est une ligne !" Juste pour être sûre (et le convaincre davantage), j'ai
refait le test le lendemain, et il n'y avait plus aucune place pour
le doute. Il y avait une ligne précise.
À partir de ce moment-là, j'étais continuellement à bout de nerfs,
craignant que quelque chose tourne mal avec la grossesse. En regardant
en arrière, peut-être que Dieu essayait de me préparer à ce qui
m'attendait. Je savais par d'autres personnes à quel point une fausse
couche peut se produire facilement. Je suis même allé faire des analyses
de sang à environ 6 semaines, juste pour vérifier les niveaux de HCG
avant notre première échographie. Mes niveaux de HCG étaient dans le
haut de la normale.
Le 27 octobre est enfin arrivé et nous sommes allés faire la première
échographie. La première fois que nous avons vu Paxton à l'écran,
c'était merveilleux. Nous avons entendu son beau battement de
cœur et nous avons été étonnés. Puis mon médecin m'a demandé
quels étaient mes symptômes jusqu'à présent. Je lui ai dit que je
ressentais surtout des brûlures d'estomac et beaucoup de fatigue.
Il a demandé si j'avais eu des maux de tête, et j'ai répondu :
"Oui, certains." Puis il a dit : "Eh bien, je suis sur le point
de vous donner un plus gros mal de tête... il y en a deux."
La réponse était presque involontaire lorsque j'ai demandé :
"êtes-vous sérieux ?!" Effectivement, caché derrière un
petit Paxton en formation se trouvait notre adorable petite Carys.
Nous étions submergés d'émotions. Nous étions excités, un peu
effrayés, amusés, ravis, reconnaissants... Je pourrais continuer
à lister toutes les émotions que nous avons ressenties, mais je
ne sais pas si je peux les décrire pleinement. J'ai téléphoné
à mes parents pour les informer, et quand j'ai dit à mon père
que "Les battements de cœur semblaient bons...
pour les deux bébés", il était très heureux mais n'était pas
aussi excité que je m'y attendais. Quand j'ai raccroché, ma
mère a rappelé presque immédiatement en riant. Papa ne m'avait
pas crue. Il pensait que je faisais référence à la blague en
cours selon laquelle nous aurions des jumeaux.
Nous étions tous tellement excités et déjà amoureux de ces deux
précieux bébés. Ils avaient déjà changé nos vies.
Faisons une avance rapide, pour nous retrouver en décembre.
Nous venions de traverser le premier trimestre et je
commençais à me détendre un peu et à ne plus m'inquiéter
du risque de fausse couche. Le 15 décembre, cependant, les
craintes sont revenues de plein fouet, à raison. Vers la fin
de notre échographie de routine à 16 semaines, notre Docteur
avait l'air inquiet. Il nous a dit que c'était peut-être juste
qu'il ne pouvait pas obtenir un scan clair, mais qu'il avait
du mal à voir tout le crâne du jumeau B. Il a poursuivi en
expliquant ce qu'était l'anencéphalie et mon esprit s'est
brouillé pour essayer de donner un sens à ce qu'il nous disait.
Pourtant, j'espérais que ce n'était tout simplement qu'un
problème de clarté de l'échographie. Il s'est arrangé pour que
nous nous rendions chez le spécialiste des grossesses à haut
risque la semaine suivante plutôt qu'en janvier comme prévu
initialement (en raison de la grossesse gémellaire).
Je n'avais jamais pleuré ni prié aussi fort de ma vie que
cette semaine-là. Il est même difficile de repenser aux
sentiments frénétiques et presque de panique qui m'ont
saisie. Le simple fait de repenser à ces moments permet
à toutes ces émotions brutes de revenir et même maintenant,
j'ai l'impression que ces pensées peuvent m'étouffer.
J'ai supplié Dieu de nous laisser la garder. Je l'ai supplié
pour qu'elle soit entière et en bonne santé. Même ainsi,
je savais que je devais accepter tout ce que Dieu avait prévu.
Je savais qu'Il ne nous laisserait pas traverser seuls une
telle épreuve si on en arrivait là, mais l'idée de devoir y
faire face était insupportable.
Dieu a commencé à me donner la paix pour me permettre de
traverser cette semaine sans savoir si mon bébé allait vivre ou non.
Pendant ce temps, j'ai fait des recherches sur l'anencéphalie.
J'ai recherché sur Google des expressions telles que "anencéphalie
diagnostiquée à tort" dans l'espoir de trouver du réconfort,
seulement pour apprendre que l'anencéphalie est rarement mal
diagnostiquée. J'ai pleuré encore et j'ai prié plus fort
(si cela était même possible). Je savais que même si notre bébé
était atteint d'anencéphalie, Dieu était capable de guérir notre
bébé, même si ce n'était pas probable. Après tout, il les a
créés en premier lieu. Il doit être capable.
Le 21 décembre, nous sommes allés, entourés de prières,
voir le spécialiste des grossesses à haut risque à Lexington,
Kentucky. L'attente a été difficile, mais nous sommes
finalement parvenus à l'échographie. Nous avons vu Paxton en
premier et tout avait l'air parfait. Il avait les bonnes
dimensions et il n'y avait aucune inquiétude. Quand nous
avons regardé notre doux "Bébé B", j'ai su avant que le
médecin ne dise un mot. Je pouvais voir le défaut sur
grand écran. Il était évident que notre précieux bébé ne
s'était pas complètement développé. Pourtant, j'espérais
que j'avais tort.
Cependant, à la fin de l'échographie, le médecin a déclaré :
"Eh bien, il semble que le jumeau B souffre d'anencéphalie."
Je me suis effondrée. Aaron fut immédiatement à mes côtés,
faisant des efforts pour me réconforter. Tout ce que je
pouvais penser était : "Je veux mes bébés !" Je pense avoir
dit cela à haute voix plusieurs fois, à travers mes sanglots.
Notre médecin nous a calmement dit à quoi nous attendre,
et pour être honnête, je ne me souviens même plus de tout
ce qu'il disait. Je me souviens qu'il nous a donné l'option
d'un "avortement sélectif". Je n'ai pas parlé, mais j'ai secoué
la tête comme un "non" très ferme à travers mes larmes.
Aaron a parlé pour moi et a dit au médecin que ce n'était
pas une option. Le médecin a paru soulagé.
Les jours qui ont suivi le diagnostic de Carys sont un
peu flous. Parfois, je me sentais presque étourdie, mais
ensuite je me sentais à nouveau complètement absorbée par
le chagrin. Les comportements autodestructeurs étaient
tentants, mais là encore, j'avais aussi un petit garçon
en bonne santé auquel penser, donc je n'ai jamais laissé
libre cours à ces pensées. J'avais envie d'abandonner,
mais en réalité, ce n'était pas vraiment possible de
m'échapper. Je le voulais cependant. Une évasion
quelconque aurait été la bienvenue.
Je me suis retrouvée à remercier Dieu pour le temps
glacial et neigeux entourant Noël et les semaines qui
ont suivi. Cela m'a donné une excuse pour ne pas voir
beaucoup de clients au travail, et certains jours, les
routes étaient trop mauvaises pour se rendre au travail
en toute sécurité. En tant que thérapeute, il était
difficile de se sentir très thérapeutique lorsque le
sentiment le plus important que je ressentais était
la dévastation. J'ai décidé de ne pas en parler à nos
clients en réadaptation thérapeutique. Leurs maladies
mentales chroniques ou graves auraient rendu difficile
pour eux de comprendre le concept que mon bébé, qui
était alors en vie, ne pouvait pas survivre à la vie
en dehors de l'utérus. C'était un concept difficile à
traiter pour les personnes dans un état mental sain.
L'inconvénient de ne pas leur dire était que pendant
les mois suivants, des clients attentionnés m'ont souvent
demandé comment allaient les bébés. Ils ont dit que je
serais comblée avec les jumeaux. Ils m'ont demandé si
je savais s'ils étaient des garçons ou des filles,
et les questions ont continué. Je ne voulais pas leur
imposer le fardeau de connaître le diagnostic mortel
d'un bébé, alors ils ne savaient pas. Leurs questions
et commentaires me piquaient comme des aiguilles.
Au fur et à mesure que le temps passait et qu'il
devenait de plus en plus évident que j'étais très
enceinte, les gens commençaient à me poser des
questions telles que "savez-vous si c'est un garçon
ou une fille ?" Cette seule question était si
difficile. Je sais que j'ai dû parfois apparaître
comme étant très étrange alors que je luttais
pour décider comment répondre.
Si je répondais "un garçon et une fille" et que
je ne disais rien d'autre, ils continuaient en disant
à quel point ce serait excitant d'avoir des jumeaux,
ou se sentaient obligés de me dire à quel défi j'étais
confronté. Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que je
voulais le défi. Je voulais le défi avant même de
savoir qu'il y en avait deux. J'étais impatiente
d'y être. Ils ne savent pas à quel point cela fait mal.
L'expression "comme mettre du sel dans une plaie"
me vient à l'esprit. Ils ont dû se demander pourquoi
je semblais si peu enthousiaste. J'avais mal.
Si je répondais que j'en avais un de chaque mais
que j'expliquais ensuite que ma petite fille n'allait
pas survivre, je me sentais horrible de faire peser
ça sur eux ; c'était presque comme si je leur avait
fait honte d'avoir demandé. Le pire rabat-joie. Rien
ne met fin à une conversation heureuse comme de dire
à quelqu'un que votre bébé va mourir. Non seulement
cela, mais faire cette annonce conduit inévitablement
à des questions telles que "Mais est-ce qu'ils en sont sûrs ?"
Ces questions étaient généralement suivies de
déclarations bien intentionnées sur la façon dont les
médecins se trompent souvent ou sur la façon dont
Dieu peut la guérir.
J'avais vu moi-même l'anencéphalie. Je savais que les
médecins n'avaient pas tort. En ce qui concerne la
puissance de guérison de Dieu, j'y croyais pleinement,
mais j'avais aussi l'impression d'avoir reçu un "non"
très clair lorsque je L'ai supplié de la guérir.
J'avais l'impression que Dieu me disait très clairement
qu'Il avait d'autres plans pour notre douce petite fille
et qu'Il l'avait formée exactement comme elle était
censée être. Il n'avait pas fait d'erreur.
La troisième option que j'aurais pu choisir dans ma
réponse était de dire simplement que j'avais un garçon.
Il aurait été facile d'éviter de parler d'elle et
d'éviter certains des commentaires innocemment insensibles
qui suivraient. Au moins, il semblerait que ce soit facile.
En réalité, je n'ai jamais pu me résoudre à faire ça.
J'étais totalement amoureuse de mes deux bébés depuis
les moments où j'ai su qu'ils existaient. Je ne pouvais
pas prétendre qu'elle n'était pas là.
C'est incroyable comment un moment a tout changé.
Depuis le moment où j'ai entendu les mots dévastateurs,
"Bébé B est atteint d'anencéphalie", tant de choses
n'avaient plus d'importance. J'avais perdu l'ignorance
bienheureuse d'une grossesse heureuse et saine. La chambre d'enfant
que j'avais planifiée dans mon esprit des mois avant de
réussir à concevoir les bébés ne semblait tout simplement
pas avoir d'importance. Je ne voulais même pas entrer dans
la pièce qui serait la chambre d'enfant. Je ne voulais
pas commander de berceau. Tout ce que je pouvais penser
était que je devrais choisir deux berceaux.
Il semblait si injuste de planifier une chambre pour notre
petit garçon mais pas pour notre fille. Elle était avec moi.
Elle était vivante et je sentais bien ses coups de pied.
Quel genre de mère ignorerait cela et n'achèterait des
choses que pour un bébé ? Donc pendant longtemps, je n'ai
rien acheté pour l'un ou l'autre. Ce fut une lutte constante.
Si je me permettais de me sentir excitée et de me préparer
pour accueillir Paxton, j'avais l'impression d'être injuste
envers Carys. Si je ne me sentais pas excitée et que je ne
faisais pas de préparatifs pour Paxton parce que j'avais
l'impression d'être injuste envers Carys, je me sentais
injuste envers Paxton. Je me sentais tellement déchirée.
Tout cela semblait si injuste et insurmontable.
Petit à petit, j'ai commencé à travailler sur la chambre.
J'ai peint. J'ai pleuré. J'étais reconnaissante pour l'aide
de ma mère, de ma belle-mère et d'un bon ami. C'était une
bonne distraction de ne pas le faire seule.
Nous avons eu beaucoup de soutien. Nous avons souvent reçu
des messages de soutien de la part de tant de personnes.
J'ai même reçu une carte par la poste de quelqu'un que je
ne connaissais pas et qui avait entendu parler de notre
histoire. Une amie photographe a fait 5 heures et demie
de route pour faire des photos de maternité pour moi
quelques semaines avant la fête prénatale ["baby shower",
littéralement "douche du bébé", coutume célébrée aux
Etats-Unis ; le terme "douche", qu'on peut traduire par
"averse", exprime l'idée d'inonder la mère et le futur
enfant de cadeaux]. Elle a insisté. Nous voyions déjà
quel genre d'impact notre Carys avait sur les autres.
Elle a attiré leur attention sans dire un mot.
Ma famille et mes amis voulaient également organiser
une fête prénatale. Au départ, j'avais décidé que je ne
pouvais pas faire de fête. Je ne savais pas comment il
serait possible de célébrer la naissance d'un bébé tout
en sachant que l'autre ne survivrait pas. Je ne me sentais
pas d'humeur très festive, même si j'étais si reconnaissante
pour nos deux bébés. Cependant, je me suis aussi rendu
compte que la fête était aussi importante pour eux que
pour nous. Je sais que nos amis et notre famille se
sentaient impuissants, tout comme nous. Planifier une
fête était quelque chose de tangible qu'ils pouvaient
offrir, alors j'ai cédé.
C'était probablement la fête prénatale la plus grande
et la plus élaborée que j'aie jamais vue. Ils ont tout
mis en œuvre, planifiant et assemblant des décors
autour du thème "Les inonder d'amour". Ils ont fait des
décors de fleurs printanières et de parapluies (la pluie
était devenue un thème de la grossesse ; j'avais même
fait réaliser certaines photos de maternité avec un
parapluie). J'ai trouvé intéressant le fait qu'il
semblait que chaque domaine et période de ma vie étaient
représentés à la fête. Il y avait des collègues et des
amis de l'école primaire, du collège et du lycée et de
l'université, ainsi que des membres de la famille de
notre église et des amis du district de l'église que
je connaissais depuis des années. Ils se sont tous
réunis pour "nous inonder d'amour". Quelle humilité
cela me faisait ressentir. Pourtant, j'étais étonnée
de l'impact que nos bébés avaient sur les autres avant
même que leur petit visage ait été vu.
Le soir après la fête, alors que je quittais l'église,
Carys a bougé. Elle a bougé souvent tout au long de
la grossesse, mais cette fois, elle a VRAIMENT bougé.
Ma mère pouvait la voir bouger de l'autre côté de la
pièce. Ma belle-sœur se tenait à côté de moi et
pouvait sentir le grand mouvement de Carys. Je ne suis
pas sûr de ce que faisait Carys là-dedans, mais j'ai
plaisanté et dit que quoi que ce soit, elle le faisait
avec insistance ! J'ai eu mal au ventre pour le reste
de la soirée. Elle faisait certainement connaître
sa présence !
Neuf jours plus tard, le lundi 18 avril, nous sommes rendus
à notre échographie de 34 semaines. à un moment, au cours
de l'échographie, le technicien a demandé,
"Voyez-vous ce que je vois ??" Nous regardions une image
échographique 4D qui ressemblait à Carys embrassant son
frère sur le front. C'était absolument précieux. Celles-ci
ont fini par être les dernières images échographiques que
nous en avons vues.
À la fin de l'examen, mon médecin m'a calmement dit qu'il
m'envoyait en salle de travail pour l'accouchement.
J'étais déjà dilatée d'environ 4 cm et les moniteurs ont
rapidement détecté des contractions que je n'avais pas
ressenties. Il y avait eu un incident quelques jours
auparavant où j'avais une douleur sourde dans le bas
du dos, et je m'étais demandée si j'avais une douleur
lombaire signalant un accouchement imminent. J'avais
quitté le travail tôt ce jour-là et j'étais rentrée
chez moi, mais après une sieste, je me sentais beaucoup
mieux et je n'ai plus ressenti la douleur.
Un flot d'émotions m'a envahie alors que nous traversions
l'hôpital pour aller à la salle de travail et à l'accouchement.
Nous venions d'apprendre quelques jours auparavant que pour que
Carys soit éligible au don de tissus, nous devions atteindre
36 semaines. J'étais tellement déçue de savoir que nous n'allions
pas tenir aussi longtemps. Nous avions déjà décidé de donner
les valves cardiaques de Carys après qu'elle soit allée au
ciel, dans l'espoir que nous pourrions aider une autre
famille à garder leur bébé. J'ai été blessée et déçue.
J'étais tout excitée à l'idée de rencontrer mes bébés
face à face et j'avais peur de l'inconnu. Je comptais
sur Dieu pour nous donner ce dont nous avions besoin
quand nous en avions besoin, mais je redoutais de
devoir dire au revoir à Carys.
On m'a donné des injections d'un stéroïde pour aider
au développement pulmonaire et j'ai ressenti une paix
quant au fait que Paxton allait très bien. Les contractions
(que je ne ressentais toujours pas vraiment à 5 cm) ont
également été gérées par les médicaments injectés par
intraveineuse. Quand il est devenu évident que je ne
rentrerais pas chez moi avant l'arrivée des jumeaux,
une césarienne a été programmée pour ce jeudi 21.
Ces quelques jours étaient remplis de moniteurs et le
sommeil était rare.
La veille de la naissance des jumeaux, mon neveu de
6 semaines a été admis dans le même hôpital avec un
VRS (virus respiratoire syncytial) et a ensuite été
transféré dans un hôpital voisin ayant une unité de
soins intensifs pédiatriques. Nous étions tous sur
le point de craquer. Mon médecin est venu après
minuit pour prier avec nous. Quelque temps après,
une des infirmières est venue remplacer mon intraveineuse
après qu'elle ait commencé à s'infiltrer. Après 2
tentatives et une veine soufflée dans chaque main,
elle a appelé les infirmières de l'unité de soins
intensifs néonataux pour qu'elles viennent commencer
une intraveineuse. Ils ont soufflé une autre veine
dans ma main avant de parvenir à mettre la perfusion
intraveineuse dans le pli de mon bras droit.
J'étais épuisée et je souffrais, physiquement et
émotionnellement. Je luttais déjà contre les larmes
et à ce moment-là, tout ce à quoi je pouvais penser
était que je ne pouvais même pas plier le bras pour
tenir mes bébés avec le peu de temps que j'allais avoir.
J'ai sangloté. Une des infirmières, voulant me réconforter,
m'a posé une question sur les bébés. J'ai juste
sangloté encore plus fort, je ne pouvais pas parler.
Je n'ai pas eu l'occasion de ressentir l'excitation
"normale" d'une nouvelle maman attendant de rencontrer
son bébé. Bien que faire face à l'ensemble du processus
puisse sembler quelque peu effrayant dans des circonstances
classiques, toutes les émotions qui se bousculaient dans
ma tête depuis environ 5 mois semblaient revenir de plein
fouet à ce moment-là.
Le choc initial et la panique du diagnostic, le pur désespoir
de mes prières prostrée sur le sol de la salle de bain,
la peur de dire au revoir, le chagrin total de tous les
événements que je ne pourrais pas vivre avec elle,
la douleur de regarder des mamans qui ne semblent pas
se soucier de leurs enfants, la culpabilité de la joie
volée à l'existence de Paxton, la joie de les avoir tous
les deux avec moi, la peur de la solitude quand je ne
pourrais plus les porter avec moi... tout ce flot
d'émotions est simplement revenu de plein fouet, d'un
seul coup.
Je me sentais mal pour les infirmières, je savais qu'elles
devaient se sentir impuissantes. J'avais le cœur brisé
pour mon mari, qui se sentait aussi impuissant que moi
depuis le début. Je savais que c'était difficile pour lui
de me voir m'effondrer comme ça, en plus de son propre
chagrin, mais ce n'était pas sous mon contrôle. Je ne
pouvais pas réparer ça. Je ne pouvais colmater aucune
brèche, et j'ai été submergée.
Les infirmières ont proposé d'appeler mon médecin et de
demander quelque chose pour m'aider à dormir. Je ne
voulais pas les laisser l'appeler. Il était venu dans
notre chambre d'hôpital vers 4 heures du matin la veille
et était encore revenu après minuit pour vérifier notre
état avant de rentrer chez lui. Ma césarienne était prévue
tôt ce matin-là. Je savais qu'il devait être épuisé. J'ai
fini par m'installer dans un certain degré de sommeil. Mon
infirmière n'a pas remis le moniteur des battements cardiaques,
sachant à quel point j'avais besoin de dormir.
Je me suis réveillé le lendemain matin à l'agitation de la
préparation chirurgicale. Toute ma famille était là avant
qu'on me ramène au bloc. Je ne me sentais pas aussi
émotionnellement hors de contrôle que je l'avais été quelques
heures auparavant, mais je me sentais juste faible.
J'étais plus calme la majeure partie du temps.
Aaron est resté à mes côtés à chaque instant où lui était
permis d'être là. Il était si attentif et aimant envers
les bébés et moi. Il y eut quelques larmes de plus à mesure
que le temps se rapprochait, mais elles étaient beaucoup plus
calmes maintenant. J'ai été emmenée dans la salle d'opération
et l'anesthésiste m'a administré l'injection dans la colonne
vertébrale. Alors que la moitié inférieure de mon corps
devenait engourdie et que mon mari me tenait la main, il semblait
y avoir une paix qui venait de se répandre dans la pièce.
J'avais compté dessus. J'avais confiance que Dieu enverrait
le Saint-Esprit pour nous réconforter, et Il l'a fait.
Paxton est né à 8h19. Le son de ses pleurs était d'une beauté
à couper le souffle. Notre médecin l'a porté pour que je le
voie. Il était parfait. Il a été emmené pour être nettoyé
avant d'être transféré à l'unité de soins intensifs néonataux
pour évaluation.
Deux minutes plus tard, avec un jaillissement de l'abondant
liquide amniotique qui avait rempli son sac, Carys est née.
Il n'a pas fallu longtemps avant que j'entende "Elle essaie
de pleurer". Elle a été rapidement nettoyée et étendue sur
ma poitrine pendant que j'étais recousue.
Elle était belle. Cela peut sembler étrange à quiconque n'a
pas vécu une telle chose, mais elle était parfaite.
Alors que nous regardions avec admiration le visage de notre
petite fille, elle a couiné et grogné et a fait de petits
bruits de roucoulement. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle
soit capable de faire du bruit. Avec des larmes de fierté,
Aaron a été autorisé à tenir les deux bébés pour une rapide
photo avant que Paxton ne soit sorti de la pièce.
Nous avons continué à nous concentrer sur chaque petit détail
de Carys. Elle a eu le hoquet. Elle a fermement agrippé nos
petits doigts. Nous pouvions voir un peu de cheveux roux
foncés à l'arrière de sa tête et elle avait de longs cils
rouges. Elle avait de petites joues potelées et un double
menton. Ses mains potelées avaient de minuscules fossettes
aux jointures. Plus tard, je me suis demandé comment quoi
que ce soit sur un bébé de 1,3 kg pouvait sembler
potelé.
Nous avons rapidement été emmenés dans une salle de réveil,
puis avons fait une brève visite à l'unité de soins néonataux
intensifs où je fus tellement reconnaissante d'avoir l'opportunité
de tenir mes deux bébés pour quelques photos. J'étais ravie.
Je ne pensais pas avoir l'opportunité de porter mes deux bébés
vivants. Paxton s'est un peu agité quand il a été pris, mais
dès qu'il a été étendu dans mes bras, à côté de sa sœur,
il s'est calmé et avait l'air si paisible. Je chérirai
toujours ce moment.
Il ne fallut pas longtemps avant que Carys puisse rencontrer
les deux groupes de grands-parents et quelques tantes et oncles.
Notre pasteur est venu et nous avons eu un bref service de
consécration. Je ne m'attendais pas non plus à avoir assez
de temps pour ça. J'avais rendu Carys à Dieu bien avant ce
moment, mais il y avait quelque chose de si spécial à la
consacrer formellement à la volonté de Dieu et à accepter
le plan de Dieu pour sa vie.
Nous avons passé la majeure partie de cette journée avec Carys
dans nos bras. J'étais lamentablement fatiguée de la privation
de sommeil et de la morphine après la chirurgie, mais je ne me
suis pas laissé endormir parce que je ne voulais pas rater un
moment de sa vie. J'ai enregistré des clips audio de ses petits
bruits sur mon téléphone. Nous lui avons parlé et l'avons câlinée.
Nous lui avons parlé du ciel et des êtres chers que nous étions
ravis qu'elle rencontre. Nous lui avons dit à quel point nous
étions reconnaissants pour elle et à quel point nous l'aimions.
Nous lui avons dit qu'elle pouvait aller au ciel quand elle le
voudrait. Aaron lui a lu quelques passages de la Bible sur le Ciel.
Je voulais lui chanter et pour la première fois depuis son
diagnostic, j'ai pu chanter pour elle sans avoir à m'arrêter
car je pleurais. La première chanson qui me vint à l'esprit
fut le cantique It is Well With My Soul(Tout est bien)
de Horatio G. Spafford.
"Quand la paix, comme un fleuve, accompagne mon chemin;
quand les chagrins me submergent comme les vagues de la mer;
Quel que soit mon sort, tu m'as appris à dire,
Tout est bien,
tout est bien dans mon âme."
Carys a vécu très paisiblement pendant 7 heures et 13 minutes.
Elle est montée au ciel depuis sa place nichée dans mes bras
avec son papa juste à côté de nous. Notre infirmière a écouté
et nous a dit qu'elle n'entendait plus son petit battement
de cœur. Elle était partie.
Depuis le moment où Carys a été diagnostiquée, de nombreuses
personnes ont prié pour un miracle pour elle. Ils ont ouvertement
prié pour sa guérison; qu'elle serait façonnée à nouveau avec
un corps complet. En fait, Carys était notre miracle. Elle était
parfaitement constituée. Dieu l'a créée intentionnellement et
avec amour. Ces précieuses heures que nous avons passées avec
Carys après sa naissance nous ont donné un aperçu du ciel. Bien
que je ne l'ai pas vu avec mes yeux physiques, la paix et
l'amour que nous avons ressentis et connus pendant qu'elle
était dans nos bras étaient indéniables. Le ciel semblait
si réel et si proche, c'était comme si nous pouvions
l'atteindre et le toucher. Même quand Carys a quitté cette
terre, elle ne semblait pas être très loin.
Notre expérience de l'anencéphalie a été la plus belle et la
plus douloureuse que nous ayons jamais eue. Il y a eu des
moments où je me suis demandée ce qui se serait passé si
nous avions accepté l'offre du médecin quand il nous a
donné l'option de "réduction sélective". Je n'ai jamais
regretté notre décision de poursuivre la grossesse avec les
deux bébés. Le diagnostic de Carys n'a pas changé notre amour
pour elle, sinon en le creusant plus profondément. Je
n'échangerais rien sur cette terre contre le temps que
nous avons passé avec Carys.
Bien que Carys ait une malformation fatale et n'ait pas pu survivre dans
ce monde, elle avait définitivement un but ici. Notre petit
miracle a changé nos vies. Je n'ai plus peur de la mort comme
jadis. Elle nous a rapprochés du Ciel et nous en a appris
plus sur la paix et l'amour que nous n'aurions jamais pu
imaginer. Soit dit en passant, c'est ce que signifient
les noms de Paxton et Carys. Paix et amour, dans cet
ordre. Le deuxième prénom de Paxton, Cole, signifie
"Victoire du peuple" . Le deuxième prénom de Carys,
Rainn, signifie "abondantes bénédictions venues d'en haut".
Nous savons que l'histoire de Paxton et de Carys Rainn
n'est pas encore terminée. Carys avait un but et un
héritage qui vivront beaucoup plus longtemps que son
corps terrestre. Paxton grandira en connaissant sa
sœur jumelle et l'impact qu'elle a eu sur le
monde. Il saura combien nous sommes reconnaissants
de l'avoir parmi nous et le rôle qu'il a joué dans
son histoire. Même si nous avons vécu le chagrin et
le deuil plus profondément que nous ne l'avions jamais
imaginé possible, nous avons un nouveau sentiment d'espoir.
Nous avons traversé cette expérience avec un objectif plus
clair pour nos propres vies et nous voulons partager
l'histoire de nos bébés avec quiconque veut l'écouter.
Il reste encore tant à dire sur les miracles que sont
Paxton Cole et Carys Rainn.
D'autres peuvent regarder notre histoire de l'extérieur
et ne voir que la tragédie. Nous regardons notre histoire,
à travers notre cœur brisé, et voyons vraiment les
abondantes bénédictions d'en haut. Chaque fois qu'il pleut,
nous nous souvenons maintenant de notre fille et de la
beauté qui vient après la pluie. La pluie rend tout plus
beau. C'est aussi par la pluie que nous voyons des arcs-en-ciel,
qui nous rappellent les promesses de Dieu. Je réalise maintenant
que les arcs-en-ciel nous donnent également un aperçu des splendeurs
du Ciel. Quand j'ai la chance de voir un arc-en-ciel, maintenant,
je pense aux joyaux dans les murs de la Nouvelle Jérusalem,
reflétés par la lumière de la gloire de Dieu, et je me
souviens de notre aperçu du Ciel le jour où nos bébés sont nés.
La façon dont je vois la vie et ce monde est tellement différente
aujourd'hui qu'elle ne l'était autrefois. En effet, il y a
une telle beauté vraie et indéniable qui vient après Rainn
["rain" signifie pluie en anglais].
Keri Kitchen
Keri tient également un blog (en anglais).
L'histoire de Carys et Paxton est disponible dans un
livre
Du même auteur, lire également, en français, Faire
face à l'anencéphalie lorsqu'on attend des jumeaux
Dernière mise à jour de cette page: 7 janvier 2021